Ressources "nationales" et ressources locales. : Les "Génois" sur les routes tyrrhénniennes entre le XVIIIe siècle et début du XIXe siècle

Part of : The Historical Review ; Vol.7, No.1, 2010, pages 99-125

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99-125
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L’image historiographique classique présente l’économie du XVIIIe siècle comme une grande machine produisant le développement mais en même temps la domination, l’émargination et l’exclusion. Au sommet, on trouverait des puissances indubitablement supérieures du point de vue de la capacité productive, commerciale, politique et militaire; à l’autre extrémité, des espaces secondaires résiduels praticables par des sujets dénués de toute ambition, relégués dans des circuits locaux, en se situant souvent sur la ligne de faille entre licite et illicite. Accueillant les suggestions offertes par des études récentes, l’essai tente de nuancer et de complexifier cette image d’un espace hiérarchiquement rigide aux logiques préétablies. Une part très consistante de l’expansion commerciale méditerranéenne au XVIIIe siècle se soustrait à la domination des places marchandes et des mercantilismes impérieux, et a pour protagonistes des sujets, des lieux et des pratiques non-orthodoxes, souvent dépourvus de capitaux remarquables, de savoirs codifiés et de protections publiques solides. Les Génois ici décrits ont très peu à faire avec les grandes dynasties marchandes qui avaient placé leur ville au cœur des trafics de la fin du Moyen Âge et de la finance du début de l’époque moderne. Il s’agit de micro-marchands provenant de bourgades côtières liguriennes, qui émergent néanmoins du va-et-vient du petit cabotage pour s’imposer en tant que protagonistes d’une part significative du commerce en grand, en inventant des manières de pratiquer le négoce, des instruments inédits pour acquérir des informations et de la confiance. Leur inscription au sein de l’espace maritime est plurielle; leur présence dans les grandes places marchandes est rendue possible entre autres par leurs liens jamais distendus avec leurs petites patries; l’assomption d’un cadre de légitimité et légalité n’ayant rien à voir avec le formalisme juridique du XIXe siècle produit quoi qu’il en soit des règles reconnaissables et en quelque sorte officialisées de l’ars mercatoria. Il en résulte une Méditerranée marchande où foisonnent acteurs, pratiques et lieux extraordinairement diversifiés. En passant sous silence cette réalité, on risquerait de méconnaître son fonctionnement à un moment crucial de sa transformation.
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856:https://ejournals.epublishing.ekt.gr/index.php/historicalReview/article/view/4040, DOI: http://dx.doi.org/10.12681/hr.258
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