Στροφάδες κέλευθοι : Εικονογραφικές όψεις του προσκαίρου στη μεταβυζαντινή τους σύνθεση

Part of : Δελτίον της Χριστιανικής Αρχαιολογικής Εταιρείας ; Vol.40, 2001, pages 61-76

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61-76
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Strophadés kéleuthoi : Figures de la précarité dans leur synthèse postbyzantine
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Joies et peines pour tous toujours vont alternant : on croirait voir la ronde des étoiles de l'ourse (Sophocle, Trach. 129-131 : 18 Dain - Mazon). Nous essayons dans cette étude de saisir, dans son évolution mouvante, la formation d'une composition picturale, celle de la Roue du monde, nous appuyant principalement sur des documents allant des 14e-15e aux 18e-19e siècles, et surtout sur les deux bouts, antérieur et postérieur, entre lesquels s'inscrit l'évolution en question. Notons d'emblée que, d'après les documents qui nous sont connus dans l'espace hellénophone, la Roue du monde « initiale » - dans le domaine des images -, figurant dans le cod. BnF gr. 36, fol. 163v (Fig. 2), ainsi que l'un des derniers exemples de la composition, celui-ci fourni par un panneau en bois de la Collection du Musée Byzantin d'Athènes (Fig. 8), semblent fondés, rétrospectivement, sur un texte beaucoup plus ancien, une épigramme de Grégoire de Nazianze, reproduite dans les deux documents en question. Dans un parcours rapide qui va de l'antiquité grécoromaine (Olynthos, villa de la Bonne Fortune : mosaïque de pavement, 5e-4e s. av. J.-C. ; Musée de Naples : mosaïque provenant de Pompei, m. 1er s. ap. J.-C. Voir n. 2-3, supra, et Fig. 1. Cf. Anacreontea 32, 7-10 : n. 4, supra) jusqu'aux 14e15e siècles (Fig. 2), en passant par des documents sur la course de la vie et la vanité des poursuites humaines, qui témoignent d'une mutation de la vision du monde avec, en perspective (en milieu chrétien), l'imminence du Jugement (5e-8e s.), nous détectons en premier lieu les conditions de l'apparition picturale d'une composition qui fera par la suite fortune dans l'iconographie postbyzantine (Fig. 7-8). Notons que, dépendant principalement de la vision boécienne {Philos, consol II, 2, 9), la Roue de la Fortune avait déjà marquée, depuis au plus tard le lie siècle, l'iconographie didactique de l'Occident médiéval (Courcelle 1967 : n. 1, supra). La première apparition en milieu grec de la Roue du monde - ou, plus exactement, de la vie humaine- s'inscrit dans le fol. 163v du cod. gr. 36 (14e-15e s.) de la Bibliothèque nationale de France (cf. n. 11,18, supra). Autour d'un noyau central, la composition se déploie en cercles concentriques, dont les fils qui forment la périphérie extérieure se nouent sur le sommet pour tresser une croix (Fig. 2). Dans le médaillon du centre se dresse frontalement le Monde, un vieillard, dont cheveux et barbe sont arrachés, à quatre mains, par deux personnages « muets », figurant à ses côtés. Est-ce là une allusion « narrative » aux quatre éléments (le feu, la terre, l'air et l'eau), dont le monde et les humains sont composés ? Signalons toutefois que ces éléments - dont il est question dans le choix de textes qui précède la miniature (fol. 162r-162v) - sont figurés par quatre dragons, qui guettent, sous l'arbre de la vie du fol. 203v dans le même codex (cf. la parabole de la licorne, dans le Roman de Barlaam et Joasaph : Migne PG 96,976D). Une inscription, de part et d'autre de sa taille, transmet les paroles du Monde, incitant « ceux qui l'aiment » à exploiter ses ressources (à lui arracher les poils : μαόύσεταίμε). Peuton y reconnaître un avatar du Kairos antique ? Or le Monde n'exige pas que l'on saisisse l'occasion ; il offre en revanche ses biens - dénoncés comme trompeurs dans la parabole (ibid., 977A) dont dérive l'illustration du fol. 203v - à tous ceux qui l'aiment (fol. 163v ; à ses amis : fol. 203v). D'ailleurs, dans l'inscription qui parcourt la zone circulaire englobant l'image emblématique du Monde, nous reconnaissons une épigramme célèbre de Grégoire de Nazianze, associée ici, pour la première fois, à une image sur l'instabilité de la vie humaine (Migne PG 37, 787-788 ; n. 16, supra), assimilée à une roue. Tout autour, sept personnages préfigurant les âges de la vie, « grimpent » vers le basileus, qui occupe le point culminant de la rotation, pour se précipiter ensuite de l'autre côté de la roue tournante. Ils s'expriment en paroles inscrites parallèlement à leur dos, en deçà du cercle extérieur. La place diamétralement opposée à celle du roi est tenue, temporairement, par le moine Nicodème, le peintre de la composition. La marge supérieure est remplie de plantes et d'oiseaux, de part et d'autre de la croix. Sur la marge inférieure, dans un paysage boisé, figure un lion personnifiant la mort (cf. le psaume 7, 3), qui terrasse un animal moins puissant, tout en tournant la tête vers le moine attaché à la partie inférieure de la roue, et son regard menaçant vers le spectateur de la scène. La composition se construit ayant probablement reçu, à ses débuts, des poussées iconiques venant du Proche Occident. Or l'image se dessine de nouveau en milieu grec, mobilisant des moyens familiers: le Monde (provenant de la Pentecôte) et les saisons, les signes du zodiaque et les âges de la vie, le Jour et la Nuit, la Mort et la tombe - point terminal de la course. Au delà de ce nouveau départ (Fig. 2), nous suivons l'évolution de l'image jusqu'à son développement le plus ample, au 18e siècle (Fig. 7), enregistré dans le Manuel du peintre (^Ερμηνεία των ζωγράφων) de Denys de Phourna (η. 14,27-28, supra ; cf. la traduction française de P. Durand, dans l'édition que Didron dédia à Victor Hugo : Paris 1845, p. 408-411, et le commentaire de Didron, p. 411-420). La même composition, d'où sont dorénavant exclus les éléments cosmologiques (à l'exception du Jour et de la Nuit), se répercute dans des oeuvres ultérieures ; l'aspect matériel de la roue y est d'ailleurs volontairement rendu, tandis que l'on retrouve, sur la même surface, l'épigramme familière de Grégoire (Fig. 8).
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